Comme vous le savez, le Critérium International 2011 a eu lieu ce week-end, pour la deuxième fois de son histoire en Corse, autour de Porto-Vecchio en Corse du Sud.

Vous avez peut-être remarqué que sur le contre-la-montre individuel de clôture, plusieurs équipes utilisaient des haut-parleurs ou mégaphones pour communiquer des informations à leurs coureurs. Pas le moyen le plus pratique quand les oreillettes sont autorisées. S'agit-il de l'ignorance du règlement de l'UCI de la part de certaines équipes et de leurs directeurs sportifs ?

La question quel est le moyen de communication que vous avez utilisé avec vos coureurs lors de ce contre-la-montre trouve une réponse différente dans les équipes interrogées ... réponse différente et parfois surprenante ! Petit tour d'horizon de 4 équipes.

France Télévisions, Laurent Jalabert : moi je l'ignorai ...

Avant de passer la parole aux 4 équipes, revenons rapidement sur ce chrono qui a été remporté par Andreas Klöden (Team Radioshack) devant Bradley Wiggins (Team Sky). La dernière partie de cette épreuve contre la montre était diffusée sur France 3 grâce au partenariat qui lie actuellement ASO à France Télévisions.

Comme d'habitude cette émission était commentée par Laurent Jalabert et Thierry Adam.

Quand les deux commentateurs ont découvert que Fränk Schleck (le vainqueur du Critérium International 2011) portait un boîtier HF sous sa combinaison (à l'arrière), ils se sont posé des questions car selon eux les oreillettes étaient interdites sur cette course. Cela expliqait selon eux donc également l'utilisation d'un mégaphone qui remplaçerait l'oreillete interdite.
En effet, selon Laurent Jalabert l'utilisation des oreillettes serait simplement interdite sur toute épreuve hors ProTour (c'est hors calendrier mondial ou UCI WorldTour pour être précis).

Pour voir ou revoir l'émission de France 3, je vous invite à regarder la vidéo ci-dessous.
Comme vous l'avez peut-être compris (pour le réécouter, c'est à 7'15" dans la vidéo ci-dessus), j'ai contacté Laurent Jalabert pendant l'émission par SMS (il s'est excusé par la suite de ne pas m'avoir reconnu par mon nom ... Laurent n'est pas le premier comme mon nom n'est pas facile donc je lui en veux bien évidemment pas ;-) pour lui apporter une précision sur cette interdiction des oreillettes.

En effet, le règlement de l'UCI est clair sur ce point : l'article 2.2.024 indique non seulement une exception pour les épreuves du calendrier mondial en 2011 (également les épreuves de la coupe du monde féminine) mais aussi les épreuves contre-la-montre et ce sans précision de temps. En toute logique, la remarque de Thierry Adam comme quoi en 2012 on n'aura plus d'oreillettes nul part n'est pas tout à fait juste : on les gardera sur les contre-la-montre.

A la question si les équipes étaient bien au courant de cette exception sur l'interdiction de l'utilisation des oreillettes, Jaja me répondait Je ne crois pas, moi je l'ignorai ....

En effet, c'est une particularité du règlement de l'UCI qu'il faut connaître mais sur un sujet qui fait tant de bruit on aurait pu espérer que les équipes avaient au moins fait l'effort de lire le règlement :
Passons maintenant aux équipes qui s'expriment sur la question !

AG2R La Mondiale : la question ne se pose pas !

L'équipe AG2R La Mondiale est très claire quand on pose la question sur le moyen de communication utilisé sur ce contre-la-montre. Son directeur sportif sur le Critérium International 2011, Arturas Kasputis répond : les oreillettes. La question ne se pose pas, sur les contre-la-montre c'est autorisé donc on les utilise.

Visiblement pour l'équipe chambérienne les choses étaient claires et si jamais elles ne l'avaient pas été, une petite vérification auprès des commissaires UCI présents sur la course aurait permis de trouver la bonne réponse.

Saur-Sojasun : à l'ancienne

Chez Saur-Sojasun on dirait d'un côté que la question dérange et de l'autre que le discours sur le sujet était tout rodé. Leur leader sur ce Critérium International, Jérôme Coppel, avait été encouragé par son directeur sportif Nicolas Guillé via un mégaphone. Exit donc les oreillettes pour l'équipe Saur-Sojasun sur ce contre-la-montre.

Le contact presse de l'équipe indique : on l'a fait à l'ancienne. On est habitué de faire les chronos comme ça et de toute façon on doit se passer de plus en plus souvent de l'oreillette.

Le directeur sportif savait-il bien que les oreillettes étaient autorisées sur cette étape contre-la-montre ? Selon le contact presse c'était bien le cas : les directeurs sportifs connaissent parfaitement le règlement et on sait à quoi on a le droit et à quoi on n'a pas le droit, mais un porte-voix est plus agressif, c'est mieux pour motiver le coureur et cela permet également de donner les temps intermédiaires.

Mais n'y a-t'il donc pas de risques de sécurité quand on n'utilise pas l'oreillette (c'est bien l'argument qui est beaucoup utilisé par les équipes et les coureurs qui s'expriment négativement au sujet de cette interdiction) ? Non, les coureurs ont tous reconnu le parcours à l'avance.

Et pourtant, malgré une reconnaissance du parcours, en plein effort, est-ce que tous les coureurs se souviennent encore de tous les points chauds sur le parcours ? On se souvient en tout cas encore du contre-la-montre de Christophe Moreau qui avait zappé un virage à gauche !

Selon Saur-Sojasun, cela ne pose pas de problème : L'oreillette n'est pas le plus utile sur un contre-la-montre. Sur une distance courte comme celle-ci on a dû donner 5 renseignements à peu près et le coureur entend bien le haut-parleur.

Mais est-ce que c'était vraiment ça ? Les informations qui me sont revenues de la Corse me poussent à croire qu'en réalité l'équipe de Stéphane Heulot n'était pas au courant de cette exception sur l'interdiction des oreillettes !

Cofidis : il y a eu un couac

Chez Cofidis, le crédit en ligne on est revenu vers moi après avoir pris des renseignements, probablement auprès du directeur sportif présent sur la course, Didier Rous.

En réponse à ma question, l'équipe m'indique : il n'y avait finalement pas de mouvement de protestation, donc on n'a pas amené les oreillettes. En effet, quand Pat McQuaid (Président de l'UCI) avait annoncé à Gianni Bugno (Président de la CPA, l'Association des Coureurs Professionnels) qu'il acceptait de le recevoir pour discuter de différents sujets dont celui-ci, la CPA avait décidé ne plus encourager les coureurs de porter les oreillettes. L'AIGCP, l'association des équipes, a alors suivi la CPA dans cette décision.

Mais cela n'explique pas pourquoi les oreillettes n'ont pas été utilisées sur le contre-la-montre à Porto-Vecchio. Selon la porte-parole l'équipe savait que c'était autorisé, mais il y a visiblement eu un couac et la personne qui devait s'en occuper a dû l'oublier quand elle a su qu'il n'y avait pas de mouvement de protestation. C'était donc pour ça que Rein Taaramae, le meilleur jeune de ce Critérium International, était suivi d'une voiture avec haut-parleur (on le voit et on l'entend dans la vidéo ci-dessus), même si la porte-parole de l'équipe indiquait que l'équipe n'avait pas employé d'autres moyens que l'oreillette ...

L'équipe se veut néanmoins rassurante sur la connaissance des règlements : on reçoit beaucoup de documents de l'UCI, des gros pavés, mais on a un secteur administratif qui s'occupe de la divulgation des informations officielles, donc les informations passent.

Movistar Team

L'équipe espagnole était présente sur ce Critérium International avec son directeur sportif français, Yvon Ledanois. La réponse d'Yvon sur cette question est claire : on a utilise le haut-parleur et l'oreillette. Effectivement, c'est souvent la combinaison des deux qui est utilisé pour donner des informations aux coureurs par l'oreillette tout en l'encourageant par le haut-parleur.

En évoquant avec Yvon la question sur l'exception de l'interdiction des oreillettes sur les épreuves en contre-la-montre, l'ancien coureur en connaît la raison : l'oreillette est interdite en peloton, pas en chrono. En effet, on critique l'oreillette par rapport à la stratégie en course et donc pas effectivement pour donner des informations lors d'un effort solitaire.
Il montre par ailleurs sa déception devant l'ignorance de certains directeurs sportifs : J'étais surpris de voir que plusieurs directeurs sportifs ne s'en servaient pas. Certains directeurs sportifs sont venus me voir car ils étaient surpris que j'utilisais l'oreillette. Ils m'ont demandé si je savais que c'était interdit, je leur ai répondu : non, mais je sais que vous ne connaissez pas le règlement.

Yvon Ledanois explique pourquoi il connaissait cette particularité : quand je me rends sur une course, je me bats pour mes coureurs. Si c'est juste pour conduire une voiture, ça ne sert à rien, sinon tu passes un contrat avec Mavic pour dépanner les coureurs et tu leur laisses conduire la voiture. Les directeurs sportifs qui lui ont posé la question ont dû décevoir Ledanois : ça montre qu'il y a des gens qui n'ont pas forcément leur place en tant que directeur sportif.

Jérémy Roy, FDJ : je n'aime pas

Comme il nous l'avait déjà annoncé dans sa première interview sur ce site, Jérémy Roy (FDJ) n'est pas fan de l'oreillette.

Sur ce contre-la-montre il ne s'en est donc pas servi non plus : on a opté pour le Haut Parleur, je n'aime pas avoir l'oreillette scotchée dans le dos. Mais on sait que l'oreillette est autorisée lors des CLM.

A qui la faute ?

Visiblement toutes les équipes n'étaient quand même pas au courant du fait que les oreillettes étaient autorisées sur les épreuves contre-la-montre.

Est-ce la faute aux équipes ? Ou à l'UCI ? Ou à l'organisateur de la course ?

Peut-être un peu à tout le monde. Les équipes devraient regarder sérieusement les questions qui les préoccupent et nul ne peut ignorer que l'oreillette en est une, mais l'UCI a peut-être aussi un rôle là-dedans pour améliorer la communication sur les nouveautés du règlement. Encore faut-il pour les représentants des équipes qu'ils ne s'endorment pas lors des réunions de l'UCI comme l'indiquait une des personnes que j'ai pu interroger sur ce sujet !

L'autre sujet qui faisait parler en Corse : le drôle de forme sous la combinaison de Fränk Schleck

Ce n'était pas dans les oreillettes, mais après la course qu'on a pu se poser des questions sur ce que portait Fränk Schleck (Team Leopard-Trek) sous sa combinaison. Comme on peut le voir sur les images dans la vidéo ci-dessus, un objet assez grand se trouvait sur son torse. Il ne s'agissait pas de l'émetteur/récepteur pour l'oreillette, qu'on pouvait distinguer sur le dos du coureur luxembourgeois, mais d'autre chose.

Le service presse de l'équipe luxembourgeoise répond à la question : il s'agissait d'un Camelbak. Nos tests ont montré que cela améliore l'aérodynamique.

Sur le site de Camelbak on ne trouve pas de modèles qui se porteraient sur le torse, mais visiblement l'équipe a un modèle particulier qui répond aux besoins identifiés en soufflerie probablement.

La photo d'illustration de cet article n'a pas été prise lors du Critérium International 2011. Alberto Contador n'était d'ailleurs pas présent sur cette course ...

door Thomas Vergouwen
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