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Le cyclisme africain menacé
Les succès récents de l'équipe MTN-Qhubeka sur le Tour de France ont catapulté le cyclisme africain sur le devant de la scene. Les exploits style 'David et Goliath' des coureurs africains ont démontré la capacité du continent de fournir des athlètes de haut niveau. Par ailleurs, leur style attaquant a marqué les fans et forcé le respect au sein et en-dehors du peloton européen. Le meilleur exemple de celà est probablement le coureur éritréen Daniel Teklehaimanot, le vainqueur du classement de meilleur grimpeur au Critérium du Dauphiné et le porteur du maillot à pois lors de la première semaine du Tour de France. Le succès du cyclisme africain est sans aucun doute basé sur le travail du World Cycling Centre Africa (WCCA, Centre Mondial de Cyclisme Afrique), mais alors que tout le monde parle des fruits de ce travail, la base du cyclisme africain est menacé.Daniel Teklehaimanot porte le maillot à pois sur le Tour de France 2015. Photo © GruberImages
Le quartier général du cyclisme africain
Le World Cycling Centre Africa (WCCA) est basé dans la ville sud-africaine de Potchefstroom. Localisé à seulement une heure de route de Johannesburg, le centre est composé d'un bungalow d'un étage avec des chambres sous forme de dortoirs pour les coureurs. Sans alu brossé et vitres teintées, le centre est un petit peu plus modeste que le World Cycling Centre (Centre Mondial du Cyclisme) en Suisse. Malgré ses inconvenients visibles, le caractère du WCCA est le même que celui de son grand frère suisse : fournir du coaching de haut niveau et des entraînements permettant de développer de jeunes coureurs. Les 10 dernières années, le WCCA est devenu le quartier général du cyclisme africain, mais aujourd'hui son existence même et le futur du cyclisme africain sont menacés.Débuts hésitants
Il est devenu impossible d'ignorer l'arrivée de plusieurs coureurs cyclistes africains de haut niveau dans le peleton européen mais malgré cela, peu de gens savent que le WCCA est à la base du succès du cyclisme africain. Créé en 2005, le centre est basé sur la vision et la passion de l'ancien coureur pro Jean-Pierre van Zyl (plus connu sous son surnom de "JP"). "JP", né en Afrique du Sud, a compris les difficultés rencontrées par les coureurs africains qui voudraient essayer d'atteindre le haut niveau du cyclisme professionnel puisqu'en début de sa carrière, le support de la fédération Cycling South Africa était assez limité. Conscient des bénéfices d'un entraînement avec des coureurs de haut niveau, il avait alors improvisé en travaillant avec les fédérations australienne et américaine. Sur la base de sa propre expérience, JP savait que le continent africain avait un très grand potentiel en cyclisme, mais qu'une grande partie de ce potentiel restait inexploité au niveau Olympique et professionnel. Il savait aussi que pour développer le cyclisme africain, la stabilité et du leadership étaient nécessaires. Quand JP rencontrait son ancient adversaire sur la piste, Frédéric Magné, maintenant Directeur du Centre Mondial du Cyclisme / World Cycling Centre (WCC) en Suisse et Head of Development à l'UCI, il a partagé ce point de vue. Magné disait alors que "Tout développement du cyclisme partout dans le monde et particulièrement en Afrique est un grand pas dans la mondialiation du cyclisme, ce qui est l'objectif de l'UCI et du WCC." Le fait que Magné partageait le point de vue de JP a permis de convaincre l'UCI d'aider le WCCA.Partage de la connaissance
Le WCCA a commencé son activité il y a une dizaine d'années, avec un budget de seulement 40.000 Francs suisses. Sa philosophie était simple : utiliser la connaissance et le succès du WCC Suisse et l'importer en Afrique. JP a également apporté son unique point de vue. En tant que coureur ayant fait l'école de Keirin au Japon, ayant fini 5ème aux Jeux Olympiques, ayant été un coureur professionnel de 6-Jours et sprinteur en cyclisme sur route pour l'équipe belge Deschacht Team, il avait une connaissance parfaite des problèmes que peuvent rencontrer des coureurs africains. Ces problèmes vont bien au-delà des challenges techniques des courses européennes et concernent des ajustements culturels et sociaux nécessaires pour vivre et courir à l'étranger et pour intégrer avec succès le peloton pro.Le programme du WCCA a commencé avec des coureurs qui venaient à Potchefstroom pour un entraînement de 2 mois, deux fois par an, avant qu'ils rentraient chez eux. L'impact de ce programme était immédiat, avec pour résultat la domination de l'Afrique du Sud aux Championnats Africains en 2005. L'année d'après, le programme a été étendu afin de proposer deux camps d'entraînement de 3 mois et à partir de 2007 un budget plus important a permis au WCCA de proposer des camps d'entraînement tout au long de la saison. En 2007 d'autres pays africains se sont également rendus compte qu'ils pouvaient courir au même niveau que l'Afrique du Sud et le budget plus important permettait à des coureurs originaires de l'Erytrée, l'Ethiopie, Namibie et Rwanda de venir au WCCA. Cela s'est prouvé bien utile, en permettant de plus en plus de pays africains de se qualifier pour des courses UCI et de participer aux Jeux Olympiques de Pékin en 2008.
En tant que Directeur du WCCA, JP devait veiller à son budget et a donc mis la main à la pâte en prenant les rôles de coach, manager logistique et directeur sportif lors des courses. Quand le programme prenait de l'importane le besoin de staff supplémentaire s'est fait ressentir et ces 3 dernières années Andrew Smith a pris le rôle de 'Team Manager' et 'Coach', en appliquant des principes scientifiques à l'entraînement, à la nutrition, aux tests des athlètes et à la récupération.
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Promesses tenues
Ces trois dernières années, 10 à 12 coureurs par an sont passé par le programme du WCCA. JP explique : "Pour identifier du talent il faut un centre régional. C'est important pour le développement du cyclisme africain. Il faut aussi pouvoir passer un an avec les coureurs, afin de déterminer leur potentiel physique et mental." Depuis sa création, le WCCA a formé l'équipe de formation pour l'équipe pro continentale MTN-Qhubeka, formant ainsi un pont entre l'Afrique et l'Europe pour des cyclistes qui voulaient passer pro.(photo Ilona Kamps, pour d'autres photos de la Vuelta 2014, consultez cette gallerie photos)
Sur la base de sa riche expérience de courses en Afrique et en Europe, JP est très clair sur les objetifs du WCCA : "Les coureurs apprendront comment se comporter dans une course pro et ils apprendront des informations sur l'équipement, la nutrition et l'entraînement. Ils apprendront à devenir des coureurs pro et à être compétitif au niveau professionnel."
Il est clair que le WCCA tient ses promesses, comme l'explique Doug Ryder (Team Principle pour l'équipe MTN-Qhubeka Pro Continental team) : "Tous nos coureurs star africains sont passés par JP." On y trouve des sprinteurs, des grimpeurs, des puncheurs et bien sûr des coureurs de Grands Tours. Des équipes de premières division, les UCI WorldTeams, ont également reconnu la qualité des 'élèves' du WCCA, avec Tsgabu Grmay qui a fait le Giro pour Lampre-Merida et Dan Craven et Natnael Berhane qui font la Vuelta avec Europcar.
L'impact de JP sur le cyclisme africain va très loin, du coaching direct à l'identification de talents, comme l'explique Andrew Smith : "JP dans son rôle de Directeur du World Cycling Centre Africa a joué un rôle dans le développement de presque tous les coureurs africains dans le peloton professionnel actuel. Cela vaut même pour Chris Froome, pour qui JP a joué un rôle important en l'envoyant au World Cycling Centre en Suisse."
Le coureur pro de l'équipe Europcar Dan Craven explique que l'impact du WCCA dépasse de loin les 10 à 12 coureurs qui visitent le WCCA chaque année : "Lorsque les coureurs rentrent chez eux, ils passent ce qu'ils ont appris au WCCA aux coureurs locaux et ainsi, chaque année, tous les nouveaux coureurs qui arrivent ont un niveau de départ plus élevé. C'est ainsi que le niveau s'élève non seulement pour quelques coureurs mais pour tout le pays. C'est certainement le cas pour l'Afrique du Sud, l'Eritrée, l'Ethiopie, la Namibie et le Rwanda." Il y a clairement toujours une différence de niveau entre l'Afrique et l'Europe, mais ces 10 dernières années cette différence devient de plus en plus petit, permettant ainsi plus de coureurs de passer des courses africaines au niveau le plus élevé en Europe. Dan Craven précise que c'était l'excellent programme de courses du WCCA qui lui a permis de montrer directement ses capacités aux équipes européennes, ce qui lui a finalement permis de décrocher un contrat pro avec Europcar.
Le futur est incertain
Le WCCA a toujours fait le maximum qu'il pouvait avec son petit budget, comme le montre une visite de son garage. Tous les vélos sont d'occasion avec une collection composées de vélos Cervélo, Trek, Pinarello et Look. Les vélos viennent tous de l'équipe MTN-Qhubeka et du WCC en Suisse. Pour réparer les vélos et les maintenir en état avec le minimum de budget, JP a fait appel aux ingénieur de l'université de Potchefstroom et avoue aussi qu'il réduit ses coûts sur les logistiques de l'équipe. "Nous prenons rarement l'avion pour nous rendre aux courses africaines car c'est moins cher d'y aller en voiture. Nous arrivons toujours en dernier et partons toujours en premier. Cela permet d'économiser des coûts d'hébergement. Nous prenons toujours un hébergement avec cuisine, comme ça les coureurs peuvent manger de bons repas sans que cela coûte cher." Les coureurs préparent aussi leur propre repas, remplacent les gels et bars qu'utilisent leurs concurrent par des gâteaux de semoule. Tous ces moyens de réduire les coûts ont permis aux coureurs WCCA de participer dans des courses européennes. Ces courses leur ont donné une expérience importante qui a été essentielle pour réduire 'la différence de performance'. En référence aux coureurs africains, JP explique : "Ils sont plus endurants, ils grimpent mieux, mais ils sont moins bons descendeurs. Ils ont besoin de passer plus de temps sur route mouillée. Et il y a la tactique aussi : les coureurs européens maîtrisent la tactique alors que nous avons besoin de plus d'expérience pour comprendre comment on peut être meilleurs qu'eux."Le coureur pro de l'équipe Lampre-Merida, Tsgabu Grmay était le premier Ethiopien à remporter une course UCI race et le premier coureur WCCA à participer au Tour d'Italie. En tant que coureur dans une équipe italienne de première division qui a continué à faire parler de lui, Tsgabu a un point de vue intéressant sur l'importance du WCCA.
"Cela m'a beaucoup aidé. Je suis à ce niveau maintenant grâce au WCCA et à JP van Zyl. Les coureurs en Afrique qui participent à des courses locales rêvent de pouvoir venir au WCCA car on sait que c'est la meilleure façon pour eux de s'améliorer et d'atteindre le niveau nécessaires pour participer aux grandes courses. C'était le cas pour moi, Merhawi Kudus, Natnael Berhane et d'autres coureurs qui étaient au WCCA. Tous ceux qui courent actuellement en Europe étaient au WCCA, où nous avons beaucoup appris et où nous avons eu l'opportunité d'apprendre ce qu'il fallait pour passer pro."
La contribution financière de MTN-Qhubeka a été divisée par plus que deux en 2014, obligeant ainsi le WCCA de se séparer du coach Andrew Smith à la fin de la saison. C'était seulement grâce au financement en provenane du WCC Suisse que le WCCA a pu continuer de fonctionner ces deux dernières années. Le budget réduit a grandement réduit le programme de courses du WCCA et pour la première fois en trois ans les coureurs n'auront pas la chance de participer à des courses en Europe. Donc, juste au moment où une dizaine d'années de travail du WCCA livre ses fruits, la base même du succès du cyclisme africain est menacée. Cela n'aura non seulement une influence négative sur l'objectif de l'UCI de mondialiser le sport, la 'différence de niveau' entre le cyclisme africain et le cyclisme européen s'agrandira également.
"Team MTN-Qhubeka a dépassé toutes les attentes avec ses bonnes performances au Tour de France. Ils ont surpris tout le monde avec leur niveau et leurs bons résultats jusqu'ici. C'est très encourageant de voir d'anciens élèves du WCCA passer au plus haut niveau dans le cyclisme mondial et devenir autonome. C'est là que se trouve l'importance du rôle du WCCA dans l'identification et la préparation de coureurs, je ne peux jamais suffisamment insister dessus. Le travail délivré par le WCCA est crucial pour la progression et le développement continus du cyclisme, non seulement en Afrique du Sud ou en Afrique, mais internationalement aussi. La mondialisation du sport est une priorité pour l'UCI et le WCCA joue un rôle crucial dans cet objectif en servant de point de départ pour les coureurs africains.
Nous devons nous assurer que le WCCA est prêt à recevoir les coureurs supplémentaires qui se présented suite aux succès de l'équipe MTN-Qhubeka. Le WCCA sous le pilotage du coureur olympique JP van Zyl a montré être la bonne approche dans l'identification et la préparation de coureurs dans ses programmes d'entraînement bien structurés et dans les programmes de courses. Tout doit être fait pour s'assurer que nos coureurs africains continue à avoir ce niveau de support au WCCA."
Il est évident que le WCCA est actuellement menacé et alors que tout le monde fête le succès du cyclisme africain au Tour de France, le cyclisme en Afrique se trouve face à sa plus importante crise depuis dix ans.
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cette publication est référencée dans : Dans les coulisses de MTN-Qhubeka
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Toutes les photos dans cet article ont été fournies par le WCCA, sauf celles qui indiquent Ilona Kamps, GruberImages ou Thomas Vergouwen / velowire.com comme photographe.